
L’OMS estime que la pathologie carieuse coûte 442 $ milliards (en 2010) [2]. La pathologie carieuse est la principale source de dégradation des tissus dentaires. Celle-ci est étudiée depuis des décennies. Nous disposons d’une compréhension relativement complète de ses mécanismes locaux (facteurs nécessaires, étiologie, …) et de son implication sociétale, épidémiologique (indice CAO – nombre de dents obturées, cariées ou absentes par individu, facteurs sociaux, …). Malheureusement, et malgré de nombreux efforts nationaux en pédagogie et prévention, la prévalence carieuse reste importante, chez l’enfant et l’adulte (2,8 milliards de caries actives estimées dans le monde, ce qui en fait la maladie la plus commune au monde) [1].
Une carie est une dégradation progressive de l’émail et la dentine, les tissus minéralisés et durs de la dent, sous l’action de bactéries produisant des acides à partir des sucres alimentaires. Cette acidité dissous (solubilise) la phase minérale des tissus (hydroxyapatite, Ca10(PO4)6(OH)2). Si cette dégradation n’est pas contrôlée, elle se traduit à terme par la formation d’une cavité qui progresse de l’émail vers la pulpe dentaire, l’organe vivant se trouvant au cœur de chaque dent. En cas de progression profonde d’une carie, la pulpe peut être atteinte de manière irréversible, un état souvent associé avec des douleurs pouvant être importantes. Le dentiste peut alors avoir à procéder à la dévitalisation de la dent.
Le « saccharose » est le principal stimulant des bactéries cariogènes
Le facteur principal et nécessaire à l’apparition d’une carie est la présence de sucres (mono et disaccharides), substrat pour les bactéries aciduriques (qui produisent un ou des acide(s)). Plus spécifiquement, il a été clairement démontré que le sucre nommé « saccharose » est le principal facteur stimulant l’activité de ces bactéries et favorisant leur prolifération au détriment de bactéries « neutres ». Il faut en effet rappeler que notre flore orale inclut plusieurs centaines d’espèces [3] et que seules quelques-unes sont associées aux pathologies orales. L’initiation d’une maladie carieuse n’est pas multi-factorielle ; celle-ci étant directement liée à la présence de saccharose [4]. En effet, il est reconnu qu’en l’absence de saccharose dans notre alimentation, la prévalence de caries chute drastiquement.
La pathologie carieuse : l’influence du sucrose
Il existe une corrélation directe entre la quantité de saccharose consommé et le nombre de caries (‘dose-response relationship’ en anglais) [5]. Une consommation de sucres inférieure à 10 % des apports énergétiques journaliers (environ 40-55 grammes par jour) est associé à une réduction du risque carieux (l’indice CAO tombe en dessous de 3). Un exemple plus parlant est le suivant : lors de guerres menant à des rationnements de l’alimentation, dont le saccharose, ou dans le cas de sanctions sur l’import imposées à certains pays, le nombre de carie diminue pour toute la population [6].
Aujourd’hui, au XXIème siècle, la stratégie principale « grand public » pour lutter contre la carie reste une recommandation au brossage avec un dentifrice fluoré. Cette stratégie reconnue permet de limiter les conséquences d’une surconsommation de sucres, et principalement le saccharose. Toutefois, reconnaissant que pratiquement 100 % des adultes sont atteints de caries à travers le monde malgré l’usage de dentifrice fluoré et en connaissance des faits liant saccharose et caries, nous pouvons aller plus loin. Nous devons lutter contre les causes.
Consommer moins de 55 grammes de sucre par jour, tous sucres confondus
L’influence des lobbys
Notons que les lobbys du sucre investissent 21,3€ millions par an auprès de l’Union Européenne [7]. Ce contre-effort tendrait à expliquer le manque d’actions politiques contre le sucre dans note alimentation. En tant que praticiens et chercheurs, nous prenons position. Nous soutenons et recommandons une réduction significative de l’apport en sucre (en particulier le saccharose) dans notre alimentation, en parallèle des efforts habituels conventionnels de santé orale [8]. Retenons la recommandation de l’OMS : nous devons consommer moins de 55 grammes de sucre par jour, tous sucres confondus [9].
Pour rechercher les qualités nutritives des aliments retrouvés dans nos assiettes, il est possible de consulter la plateforme Open Food Facts
Cet article est basé sur la publication de Sheiham et James, « Diet and Dental Caries: The Pivotal Role of Free Sugars Reemphasized » de 2015 publié dans le Journal of Dental Research.
1. Global, regional, and national incidence, prevalence, and years lived with disability for 354 diseases and injuries for 195 countries and territories, 1990–2017: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2017
2. Sugars and dental caries, WHO technical information note, October 2017
3. Defining the Normal Bacterial Flora of the Oral Cavity
4. Diet and Dental Caries: The Pivotal Role of Free Sugars Reemphasized
5. Effect on caries of restricting sugars intake: systematic review to inform WHO guidelines
6. Diet and Dental Caries: The Pivotal Role of Free Sugars Reemphasized
7. Rapport « A spoonful of sugar »
8. Santé bucco-dentaire, aide-mémoire N°318, OMS
9. OMS Guideline: Sugars intake for adults and children, 2015